Photographier en plongée - La lumière
On m'a dit que la lumière en plongée, cela n'a rien à voir avec ce que l'on
connaît. Il paraît que tout est bleu ; il paraît que quand on descend on ne voit plus rien ; il paraît
que l'on croit que tout est plus gros. Moi, si je vois un petit requin et que je crois qu'il fait 5 mètres
de long, j'aurai vraiment peur ! Alors, c'est vrai ?
Oui... et non. C'est vrai que la lumière n'est pas la même que celle que l'on connait hors de l'eau.
Et c'est vrai aussi que plus on descend, plus la lumière est bleue. Mais, je te rassure, même à 50 mètres
de profondeur, si l'eau est claire, on voit encore très bien. Bien sûr, si l'eau est chargée de sédiments,
c'est une autre histoire et là, il faut une lampe !
Et c'est vrai que les choses paraissent plus grosses et plus proches de nous. Mais, je te rassure, un petit
requin ne ressemblera pas à un monstre de 5 mètres de long. Et puis, ne crois pas trop les films : les requins
cherchent plutôt à nous éviter !
Dans la suite de cette page, je vais vous expliquer ce qui change entre la lumière "terrestre", celle avec laquelle nous vivons tous les jours, et la lumière sous-marine. Vous comprendrez alors pourquoi vos photos sont souvent trop bleues, pourquoi elles sont parfois floues, et pourquoi votre flash n'éclaire pas toujours comme vous le voulez.
La lumière du soleil ne se propage pas dans l'eau comme dans l'air. En arrivant à la surface, une partie de cette lumière est réfléchie et repart dans l'air, le reste pénètre dans l'eau.
La lumière qui pénètre dans l'eau ne s'y propage pas aussi facilement que dans l'air ; elle est absorbée beaucoup plus rapidement. Par rapport à la quantité de lumière qui pénètre dans l'eau :
Naturellement, ces valeurs ne sont que des moyennes ; la lumière qui pénètre en profondeur est bien plus faible si l'eau est chargée en particules. En plein jour, on peut se retrouver dans le noir avant d'atteindre 20 mètres, et même parfois moins.
Ces variations de luminosité peuvent paraître énormes et heurter le bon sens : à 40 mètres, si l'eau n'est pas trop chargée en particules, on voit encore très bien ! C'est en fait cohérent si l'on regarde comment varie en proportion la lumière du jour.
C'est tout simplement que notre oeil s'adapte merveilleusement bien à la variation de la luminosité
ambiante. Nous sommes capables de lire en plein soleil (100%), mais aussi au crépuscule (1%), et même
dans une rue bien éclairée, la nuit (0,1%).
Nos appareils photo ne sont pas aussi performants que nos yeux et cette baisse de luminosité
va avoir des conséquences sur la technique de prise de vue et le matériel nécessaire.
La lumière du soleil résulte de la superposition d'une infinité de couleurs visibles qui vont du rouge au violet. Elle comporte aussi des composantes non visibles, les rayons infra-rouges et ultra-violets.
Pour s'en convaincre, il suffit d'observer une lumière blanche qui traverse un prisme : ses différentes composantes ne sont pas déviées de la même façon et en ressortent séparées. C'est ce phénomène qui crée un arc-en-ciel après la pluie ; les gouttes d'eau présentes dans l'air jouent le rôle du prisme.
Les différentes couleurs ne sont pas absorbées par l'eau de la même façon. Le rouge disparaît très rapidement alors que le bleu pénètre très profondément, jusqu'à plus de 200 mètres :
C'est pourquoi, sans éclairage complémentaire, tout semble bleu dès qu'on s'éloigne de la surface. Mais la lumière d'un phare permet de révéler les couleurs que la lumière naturelle ne permet pas de voir.
Cette disparition des couleurs n'est pas liée à la profondeur mais à la distance parcourue par la lumière. Même à proximité de la surface, un animal ou un plongeur situé à 40 mètres nous paraîtra bleu.
Pourtant, lorsque je plonge avec mon binôme habituel, même à 40 mètres, je vois toujours bien l'orange du
parachute accroché à sa stab, le jaune de son octopus, même le rouge de sa stab ! Pourquoi ?
C'est vrai, on "voit" bien le parachute orange, on "reconnait" les palmes jaunes de son binôme. N'oublions pas que l'oeil
est largement plus performant que le meilleur des appareils photos. La plus petite trace de rouge sera détectée, alors que
le capteur de notre appareil ne l'enregistrera pas.
Mais, plus qu'à la vue, ce phénomène est dû au travail de notre cerveau qui interprète et complète les informations qu'il
reçoit de l'oeil. Il "sait" et "se rappelle" que le parachute est orange, et il corrige l'image
qu'il reçoit. Un peu comme quand on regarde un film ou une photo en noir et blanc et que l'on "voit" des arbres verts.
C'est pour cela que les photos sous-marines prises sans flash nous semblent toujours beaucoup
plus bleues que ce que nous nous rappelons avoir vu.
L'eau est beaucoup plus dense que l'air, la résistance qu'elle oppose au mouvement est bien plus élevée. Cela a une conséquence sur les efforts qu'il faut faire pour avancer, mais aussi sur le comportement de toutes les particules qui peuvent s'y trouver.
Si l'on jette une poignée de terre ou de sable en l'air, elle retombe très vite, même s'il y a du vent, et une seconde plus tard
l'air est aussi pur qu'avant.
Si l'on fait la même chose dans l'eau, le sable va retomber beaucoup plus lentement,
et les micro-particules qui se trouvaient entre les grains vont rester en suspension pendant de longues
minutes, parfois pendant des heures, et perturber notre vision.
La visibilité, c'est souvent la première question que posent les plongeurs "Comment est la visi ?". Une mauvaise visibilité limite souvent le plaisir de la plongée, mais aussi et surtout elle impose d'être encore plus prudent et attentif pour réussir sa plongée en sécurité : contact avec le binôme, orientation, etc. C'est comme conduire par temps de brouillard ou dans un vent de sable.
La photo ci-contre a été prise en début d'après-midi d'un jour ensoleillé. Elle montre un wagon amarré sur le pont de l'épave du Thistlegorm en mer Rouge. Malgré l'heure et la faible profondeur (le pont est à 20 mètres), l'ambiance est assez sombre. En se postant à un bout du wagon, on distingue à peine l'autre bout, comme si l'on était dans un brouillard épais.
Les particules qui causent cette limitation de visibilité ont des origines multiples, naturelles ou humaines :
Ce dernier point est particulièrement important lorsque l'on pénètre une épave, une grotte ou un tunnel. La dégradation de la visibilité par un palmage désordonné peut y affecter les conditions pendant une longue période. Non seulement cela affecte la qualité de la plongée des palanquées qui nous suivent, mais surtout cela expose tous les plongeurs à un danger supplémentaire en rendant la sortie moins visible.
Ces particules vont réduire la quantité de lumière qui pénètre en profondeur et rendre le milieu plus sombre. Et comme elles vont réduire aussi la propagation latérale de la lumière, elle vont limiter la distance jusqu'à laquelle nous voyons. La visibilité, qui peut être de 30 à 40 mètres, voire plus dans des conditions idéales, peut tomber à seulement 1 ou 2 mètres dans des conditions difficiles.
Bien entendu, ces particules auront une grande influence sur la qualité de nos photos. J'y reviendrai un peu dans les pages consacrées au matériel, et beaucoup dans celles dédiées à la prise de vue
Lorsqu'un rayon lumineux traverse l'interface qui sépare deux milieux différents, il subit une déviation qui dépend de ces deux milieux : c'est la réfraction. C'est ce phénomène qui donne l'illusion qu'un baton plongé dans un seau d'eau est brisé
Ce phénomène est parfaitement décrit par les lois de l'optique géométrique par le biais du "coefficient de réfraction". Dans le cas de l'air et de l'eau, l'angle avec la verticale est modifié suivant la formule indiquée dans le cadre ci contre.
Ce phénomène va modifier notre aptitude à juger des tailles et des distances en plongée. Il va tout d'abord contribuer à réduire notre champ de vision, comme l'illustre l'image à droite :
Notre champ de vision qui est de 160 à 180° dans l'air n'est plus que de 90 à 100° dans l'eau.
C'est pour cela qu'il est si facile de perdre son binôme ou sa palanquée qui sont pourtant juste à côté de nous. C'est aussi pour cela qu'il est important de faire un "tour d'horizon" lorsque l'on fait surface.
C'est ce phénomène qui nous fait voir tous les objets 33% plus gros. Lorsque nous regardons un poisson, comme sur l'image de gauche, la lumière qui atteint notre oeil suit le trajet en trait continu : elle est déviée en traversant le masque. Notre cerveau interprète les informations de l'oeil comme si la lumière avait voyagé en ligne droite depuis le poisson, en suivant le trajet pointillé.
Le schéma à droite montre que cela fait aussi apparaître les objets plus proches. C'est parce que nous avons deux yeux que nous pouvons juger des distances. La lumière venant du poisson voyage suivant le trajet en trait continu, mais notre cerveau l'interprète comme si elle avait voyagé en ligne droite : nous voyons donc le poisson comme s'il était 25% plus près.
Alors, c'est pour cela que, quand je fais de la chasse en apnée, je rate souvent les poissons parce qu'ils sont trop loin ?
Et c'est aussi pour cela que je suis toujours déçu de les voir si petits quand je les sors de l'eau ?
Absolument ! Mais avec de l'entraînement on s'habitue aux distances et à la taille des poissons.
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